Je ne me sens pas légitime !

Rédigé le 17/05/2022
violainedelahaut


« Qui suis-je pour proposer ce service ? Qui suis-je pour me lancer dans ce domaine ? Qui suis-je pour revendiquer telle expertise ? », c’est le genre de questions qui hantent les nuits des personnes victimes du syndrome de l’imposteur. Elles réussissent parfaitement dans la vie, mais ne s’en attribuent pas le mérite. Il s’agit là d’une modestie poussée à l’extrême qui signe un profond malaise. Et à en croire les statistiques, les entrepreneurs concernés par le phénomène sont nombreux. Mais chut … c’est tabou !

Ce syndrome peut concerner tout le monde … sauf l’imposteur. Lui, il n’a pas de problème ! Il abuse de la confiance d’autrui par des mensonges, en usurpant une qualité. Par contre, ce sentiment d’illégitimité touche plus particulièrement les métiers qui concernent l’humain et l’impalpable. Je songe aux thérapeutes, aux coaches, aux conseillers, par exemple. Mais tout un chacun peut un jour où l’autre ne pas se sentir à la hauteur. C’est une technique d’auto-sabotage très répandue qui peut conduire à la procrastination et freine l’activité de l’entrepreneur qui n’ose pas se mettre en lumière.

Ainsi, l’imposture pollue notre travail, notre réussite et notre épanouissement. Lorsqu’on ne se sent pas à sa place ou que l’on considère ne pas mériter tel ou tel compliment, quand on pense que sa réussite est un coup de chance ou un fait dû au hasard, on vit dans la crainte d’être démasqué. Cette inquiétude engendre de la culpabilité et nous empêche d’apprécier nos succès et nos réussites.

Ce sentiment est avant tout lié à une mauvaise estime de soi et conduit « l’imposteur » à mettre en place différentes stratégies de travail : une procrastination systématique ou bien une préparation excessive. Ce dénigrement de ses propres compétences passe en outre par un fort besoin de reconnaissance. Il engendre alors du stress, un sentiment de honte, de l’anxiété sociale, voire de l’anxiété tout court. Il empêche de solliciter de l’aide et génère un sentiment d’infériorité.

Ce sentiment d’illégitimité pèse dès lors de tout son poids sur notre façon de nous présenter et sur notre marketing. En effet, persuadé de ne pas sortir du lot, on communique en utilisant les arguments de la concurrence, ses outils, ses mots et ses canaux, afin de mieux se noyer dans la masse. Le maître-mot devient « surtout se fondre dans le moule » pour se protéger de son imposture. Car se démarquer rime avec se démasquer.

Je suis encore étonnée d’entendre lors de mes accompagnements des personnes compétentes qui ne se sentent pas légitimes. Ce qui est certain, c’est qu’elles comparent toujours les vitrines des autres à leur arrière-boutique. Elles se comparent à ce qu’il y a de plus beau et de plus présentable, tronquant ainsi la réalité puisqu’il ne s’agit que d’un échantillon choisi.

Et si après avoir admiré la vitrine, on décidait d’entrer dans la boutique … On peut alors apercevoir ce qui est mis en valeur sur les rayons, ce qui est apprêté, organisé pour susciter l’envie. Tout est calculé pour attirer l’œil et donner une impression de réussite et de bonheur. Mais qu’en est-il exactement ? Si on va plus loin, si on poursuit jusque dans l’arrière-boutique, on découvre ce qui n’a pas encore été trié, étiqueté, rangé, nettoyé, remis à neuf ou au goût du jour. On y voit les oubliés, les entassés, les objets qui devraient être jetés, mais que l’on garde « au cas où ». On y remarque les « personne n’en veut », les « je ne veux plus y penser », les douloureux, tout ce qui nous ressemble tellement. Vous l’aurez compris, comparer son arrière-boutique à la vitrine de l’autre est tout aussi inapproprié, voire injuste, que de comparer du terreau tout droit sorti du compost à la récolte toute fraîche des légumes du jour. Ça n’a aucun sens ! Et à l’ère des réseaux sociaux, la démarche est pourtant encore plus courante.

Ceci dit, moi non plus je n’ai pas échappé à la règle. Je me suis moi aussi répété en boucle des phrases du style : « Je suis nulle. Je ne suis pas aussi douée que la concurrence. J’ai tellement peu de valeur à offrir aux autres. » Et je sais ce que l’on ressent. La maltraitance que l’on s’inflige à soi-même est hors norme. Nous ne sommes ni bienveillant ni honnête avec nous-même. Je l’ai vécu notamment quand j’ai décidé de revendre mon bureau comptable et fiscal pour créer Copilote. Et c’était d’autant plus compliqué que mon entourage s’interrogeait sur le bien-fondé d’une telle décision. J’étais plutôt douée pour la finance, quelle idée de changer de métier au bout de plus de vingt ans ! « Et s’ils avaient raison ? Et si effectivement je n’avais aucune valeur à apporter à autrui ? Et si j’avais besoin de plus de formations pour changer de carrière ? » Ces questions ont tourné en boucle dans ma tête comme un disque rayé pendant de nombreux mois. Mais si je vous disais aujourd’hui ô combien je suis heureuse d’avoir pris cette décision à l’époque, j’aurais même sans doute dû la prendre plus tôt !

Le déclic s’est fait quand j’ai pris conscience que je n’avais pas besoin de plus de formations, de connaissances, de reconnaissance de mes pairs, mais bien de m’accepter telle que je suis. Certes, ça m’a pris un certain temps, car il a été nécessaire de casser le cercle vicieux empreint de découragement, de démotivation et de dévalorisation pour lui substituer un cercle vertueux teinté de bienveillance, de respect de soi et de confiance. A présent, la technique est au point pour ne plus laisser la place à ce sentiment d’imposture et le retour positif de mes clients continue d’y participer très favorablement. Merci à eux, je suis remplie de gratitude.

Ce foutu syndrome frappe partout. 70 % de la population en sont victimes au moins une fois au cours de leur existence. Le plus douloureux, c’est quand il nous suit tout au long de notre parcours professionnel.

Ainsi, dernièrement, une cliente m’explique que depuis qu’elle a été promue directrice des ventes, son stress n’a cessé d’augmenter : par quelle opération du Saint-Esprit a-t-on pu croire qu’elle avait les compétences pour ? En effet, imaginez : ingénieure commerciale, titulaire d’un MBA, une brillante carrière, une imagination débordante, elle a tout le profil d’une personne qui a été promue par erreur. D’ailleurs, forcément, promotion après promotion, elle a réussi à duper tous ses chefs, car c’est bien connu, dans l’entreprise il n’y a que des imbéciles incapables d’évaluer correctement une demeurée comme elle. Quelle chance elle a eu jusque là ! Intellectuellement, elle a bien conscience que son analyse est incorrecte, mais c’est plus fort qu’elle, elle n’arrive pas à s’en départir et à admettre sa légitimité. Elle est épuisée à force de travailler sous pression à l’idée qu’un jour la vérité soit dévoilée au grand jour. Aujourd’hui elle rêve d’une reconversion comme entrepreneure, mais bien sûr son sentiment d’imposture la suit également dans cette voie, persuadée qu’elle ne fera jamais une bonne styliste, car elle n’est vraiment bonne à rien. Que de souffrance !